L’économie collaborative connaît un véritable essor, notamment grâce à sa structuration sur internet. Son chiffre d’affaires mondial devrait atteindre 302 milliards de dollars à l’horizon 2025 et son marché être multiplié par plus de 20 en 10 ans ! La France est championne d’Europe avec 3,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Si Uber est considéré comme le précurseur de la sharing economy, de belles réussites de marketplace de l’économie collaborative françaises émergent. Explorons ensemble la relève des pionniers assurée par ces nouvelles plateformes.
Uber : le précurseur de l’économie collaborative
Il est admis qu’Uber constitue le point de départ d’une économie collaborative structurée. Aujourd’hui d’ailleurs, le néologisme « uberisation » est entré dans le langage courant comme analogie à un nouveau modèle économique digital, capable de remettre en cause rapidement un « ancien » modèle de l’économie traditionnelle. Les modèles en question sont les VTC et Uber Pop, qui ont créé le débat quant à leur illustration de l’économie collaborative.
En effet, la sharing economy est basée sur le partage, l’entre-aide et l’échange de biens ou de services, troqués ou monnayés. L’objectif est de réaliser des économies mais aussi de donner un sens à sa consommation, en favorisant les usages plutôt que la possession. Et c’est probablement de cette idée générale qu’est née la friction : l’axe de la plateforme Uber est à but marchand, comparé à Blablacar par exemple qui repose sur un système de partage des frais.
Quoi qu’il en soit, Uber et son modèle économique ont fait naître des vocations. Comme le soulignait Frédéric Mazzella, fondateur de Blablacar, lors du débat « Économie collaborative, économie de partage : quels enjeux pour demain ? », tirées par les améliorations technologiques, notamment celles liées aux plateformes numériques (augmentation de la taille des bases de données, capacités des moteurs de recherche et amélioration de la connectivité), les marketplaces ont envahi le paysage e-commerce favorisant ainsi un développement spectaculaire de l’économie circulaire. En France, les plateformes collaboratives constituent également des cas d’école très inspirants.
Quelles sont les nouvelles marketplaces françaises de l’économie du partage ?
Marketplaces de partage dans la location immobilière
Dans la lignée du géant Airbnb, qui a révolutionné le marché du séjour de courte durée, la startup tricolore GuesttoGuest, créée en 2011 est spécialisée dans l’échange de maisons et d’appartements. Comme nous vous l’avions annoncé dans un précédent article, la marketplace avait franchi une étape en 2017 en bouclant une quatrième levée de fonds de 33 millions d’euros destinée à s’offrir son homologue américain Home Exchange. Ce regroupement portant l’offre à 400 000 logements vise à concurrencer directement Airbnb.
Une autre marketplace de l’économie collaborative, Le Collectionist, est spécialisée dans la location de villas de luxes entre particuliers. La clientèle est composée à 80% d’étrangers (Russie, Royaume-Uni, Etats-Unis et Moyen Orient). Surnommée le « Airbnb des riches », cette plateforme créée en 2013 s’affirme sur son marché de niche en y développant une solide expertise de prestations sur mesure haut de gamme. Une levée de fonds de 10 millions d’euros va servir une expansion sur les destinations ultra chics des Etats-Unis (Palm Springs les Everglades, les collines de Los Angeles, les Hamptons, Aspen…). Elle permettra également la création d’une centaine de bureaux partout dans le monde afin de proposer des services de proximité sur mesure et l’hyper personnalisation, grâce au développement d’un algorithme prédictif, en fonction de data collectée en amont et pendant le séjour.
Marketplace de partage de voiture
Sur les traces du succès de Blablacar, Travelercar, créée en 2012, est une plateforme d’auto partage qui met en relation des voyageurs. Les uns proposent la location de leur véhicule personnel au départ d’un aéroport, d’une gare ou d’un centre ville, pour la durée de leur séjour, évitant ainsi les frais de parking. Les autres réalisent jusqu’à 50% d’économie par rapport à un loueur classique. Son fondateur, Ahmed Mhiri remporte en 2016, le Travel Innovation Summit, European People’s Choice Awards » à Dublin, décerné par les professionnels du voyage.
Avec 200 agences réparties dans 10 pays Européens, la startup revendique 300 000 utilisateurs. La consécration continue en 2017 avec une levée de fonds de 15 millions d’euros réalisée auprès de PSA et la MAIF, lui permettant ainsi de s’implanter dans les aéroports de Los Angeles et San Francisco. Sachant que 850 millions de personnes voyagent aux Etats-Unis chaque année et que l’offre Travelercar n’a pas encore son équivalent sur le territoire Américain, le marché lui est offert sur un plateau doré !
Marketplace d’entre aide entre voisins
D’autres exemples d’économie collaborative mettent en exergue les marketplaces d’entre aide entre voisins, comme AlloVoisins et Smiile, lancées respectivement en 2013 et 2015. Echange de biens ou de services, entre personnes proches géographiquement, allant de la mise à disposition de matériel de puériculture aux dépannages divers moyennant finance, en passant par le covoiturage …
Le succès des deux startups démontre l’engouement des français pour l’économie de partage. AlloVoisins revendique 1.6 millions d’utilisateurs fin 2017 et 100 000 nouvelles annonces postées chaque mois ! Avec 8 millions d’euros levés depuis sa création dont 3 millions fin 2017, le cap est mis sur l’accélération de sa croissance : recrutement de nouveaux collaborateurs, développement informatique et marketing et un objectif de 3 millions d’utilisateurs fin 2018 !
Quant à Smiile, ce sont 400 000 utilisateurs formant 36 000 réseaux de voisinage, qui tissent du lien en se rendant service et en mutualisant l’utilisation des objets. Cagnotte permettant de régler les prestations rémunérées, assurance couvrant l’échange d’objet ou le partage de services, gratuits ou payants, Smiile City pour les bailleurs sociaux, collectivités locales et acteurs de l’habitat : autant d’offres et de services qui fédèrent les utilisateurs autour du mieux vivre ensemble. Suite à une belle levée de fonds de 1.3 millions d’euros, Smiile s’apprête à lancer une offre pour les entreprises.
Marketplace de l’économie collaborative dans la mode d’occasion
Le succès de l’économie circulaire se traduit aussi dans la mode seconde main au sein d’un marché mondial estimé à 17,6 milliards d’euros, dont la moitié en Europe.
Les plateformes Vestiaire Collective et Videdressing, startups françaises fondées toutes deux en 2009, offrent ainsi une nouvelle vie aux vêtements de marque haut de gamme et luxe. Fin 2017, Videdressing annonçait plus de 1,5 millions d’utilisateurs, une augmentation du nombre de ses articles en ligne de 15% par rapport à l’année précédente et un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros. Le site a levé 5.4 millions d’euros en juin 2017. Objectif : une stratégie Mobile first, 60% des achats de la plateforme étant déjà effectués en mode nomade.
Le dynamisme de la mode d’occasion s’illustre également à travers la plateforme Vestiaire Collective. Le leader européen compte 6 millions de membres, 600 000 articles en ligne et connaît une croissance annuelle de 70% depuis sa création. Implantée physiquement à Paris, Londres, Milan, Berlin et aux Etats Unis, la marketplace livre 70% de ses produits à l’étranger dans 49 pays. Une splendide levée de fonds de 58 millions d’euros en 2017 lui permet d’envisager l’exportation de son modèle en direction de l’Asie et des pays du Pacifique avec un objectif clair : devenir le leader mondial de la vente de produits de luxe d’occasion!
Marketplace de l’économie collaborative dans le secteur B2B
A l’image des acteurs traditionnels de l’uberisation, l’économie collaborative investit le secteur B2B.
Kintessia par exemple est une toute jeune marketplace d’entre aide entre professionnels lancée en janvier 2018 par BNP Paris Leasing Solutions. Elle propose la location ou l’achat entre professionnels de matériels d’occasion agricole, de BTP et de transport. Ce mode de consommation permet de diminuer les coûts de mécanisation, rentabiliser du matériel qui ne tourne pas toute l’année pour les propriétaires de machines, réduire les délais de remplacement de pièces défectueuses en les achetant d’occasion. Kintessia a d’ailleurs remporté le prix du public Echos Start en mai 2018 sur le salon Vivatech.
Notons également l’exemple de Bureaux à partager, marketplace lancée en 2007, permettant aux offreurs – foncières immobilières ou propriétaires – qui ont de l’espace à partager d’entrer en contact avec des demandeurs à la recherche de bureaux. Le concept est original dans le sens ou le bail est éphémère et peut courir jusqu’à deux ans maximum. Une souplesse qui permet à la plateforme de proposer plus de 2 000 bureaux à louer et de s’implanter doucement aux Etats Unis. 2017 constitue un tournant : un chiffre d’affaire multiplié par deux qui atteint 10 millions d’euros par rapport à 2016, rentabilité de 5 à 10% et levée de fonds auprès de la Caisse des Dépôts pour assurer la croissance et une implantation aux Etats Unis. Objectif : devenir un groupe porté sur les nouvelles technologies, révolutionnant les modèles anciens du secteur immobilier.
Consommer différemment, mutualiser les objets, tisser un réseau de proximité, se rendre service, arrondir ses fins de mois ou faire des économies : la sharing economy satisfait des aspirations diverses et a su conquérir un nombre d’adeptes très important. La facilité de la mise en contact, la qualité des biens et services et la sécurité qu’assure le modèle marketplace a fortement contribué à ce succès. L’économie collaborative version marketplace devrait encore surprendre, tant par sa capacité intégrer les différents secteurs de l’économie de partage que de les valoriser, voire en faire naître de nouveaux !