Vous créez une marketplace sur laquelle des transactions seront réalisées ? Votre rôle est de garantir la bonne issue de la transaction. Pour cela, vous devez gérer les flux financiers conformément à la loi et aux intérêts respectifs des acheteurs et des vendeurs. Afin de vous assurer du succès et de la bonne réputation de votre plateforme, et d’être en règle de vos obligations légales, on vous explique le cadre juridique des paiements sur une marketplace.
Le principe de l’encaissement pour le compte de tiers sur les marketplaces
Lorsqu’un acheteur commande en ligne un produit ou une prestation de service auprès d’un vendeur sur une marketplace, l’opérateur se porte garant à la fois auprès de l’acheteur et du vendeur.L’acheteur doit être assuré que le bien ou le service sera livré conformément à la commande. De son côté, le vendeur doit être assuré qu’il sera payé au terme du contrat. Dans ce cadre, l’opérateur assume le rôle de tiers de confiance.Concrètement, la transaction se déroule de la façon suivante :
- L’acheteur commande et paye sur la marketplace, par CB, virement ou prélèvement selon les options proposées (pay-in ou cash-in)
- Son argent est placé sur un compte de cantonnement
- Le vendeur livre le bien ou réalise la prestation
- L’argent de l’acheteur est transféré depuis le compte de cantonnement vers le compte du vendeur (pay-out ou cash-out), après prélèvement ou non d’une commission de la marketplace
Pour assurer lui-même l’encaissement des paiements pour le compte des vendeurs tiers de sa plateforme, l’opérateur de la marketplace doit être agréé Etablissement de Paiement par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). Accréditation (ou agrément) qu’il n’est pas si simple d’obtenir ! Il peut également être exempté d’agrément. Une possibilité transitoire intéressante pour les marketplaces dont l’activité est faible et le périmètre restreint. D’autres options que nous allons présenter s’offrent également à lui.
Paiements sur les marketplaces : quelles options s’offrent aux opérateurs ?
L’opérateur de marketplace a plusieurs alternatives pour gérer les paiements sur sa plateforme.
Option n°1 : obtenir l’agrément d’Établissement de Paiement
La marketplace doit faire une demande d’agrément auprès de l’ACPR pour obtenir l’agrément d’établissement de paiement.
Une fois l’agrément obtenu, elle devient Etablissement de Paiement (EP) et peut valablement proposer les services de paiement sur une marketplace, tels que prévus par l’article L314-1 du Code monétaire et financier.
Les avantages : Devenir EP permet à la marketplace de gérer les paiements en toute autonomie, sans passer par un intermédiaire. Une économie donc, car l’intermédiaire de paiement doit être rémunéré.
Les inconvénients : L’opérateur de la marketplace doit disposer des ressources internes nécessaires à la gestion des paiements. C’est pourquoi cette option est, en pratique, réservée aux grandes structures. Par ailleurs, la demande d’agrément auprès de l’ACPR fait l’objet d’une procédure longue et complexe. Préparation d’un dossier de 500 pages, délai de réponse de 3 mois, nombreux aller-retours : compter environ 1 an pour être agréé.
A noter : si la procédure est gratuite, l’EP doit payer une cotisation pour conserver son statut.
Que doit contenir le dossier de demande d’agrément ?
L’ACPR examine scrupuleusement les chiffres du bilan, la capacité de l’actionnariat à porter le projet et à être pérenne, ainsi que les fonds propres de la société demandeuse.Parmi les mesures à mettre en place, le dossier de demande d’agrément EP doit préciser :
- Les niveaux de contrôles internes
- Les moyens de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme
- Les dispositifs aptes à assurer la sécurité des fonds
- Le dispositif de gel des avoirs
- Un plan de financement pluriannuel avec 2 versions de scénario (attendu et dégradé)
La société doit en outre fournir un reporting trimestriel à l’ACPR. Une fois l’agrément obtenu, l’EP fait l’objet d’un contrôle strict par l’ACPR, et certaines décisions internes deviennent soumises à autorisation préalable ou déclaration à l’ACPR.
De quoi décourager plus d’un opérateur marketplace de faire une demande d’agrément !
Option n°2 : demander une exemption d’agrément
Autre option moins connue, l’opérateur peut également demander une exemption d’agrément afin de gérer lui-même les paiements sur sa marketplace. Cette dérogation est prévue par l’article L521-3 du Code monétaire et financier et implique que la marketplace propose un « éventail limité de produits et de services ». Seules des thématiques ciblées et restreintes, à l’exclusion des thématiques généralistes, semblent être éligibles à l’exemption. L’ACPR demeure seule juge du respect du critère d’éventail limité. A titre d’exemples, des exemptions ont été accordées par l’ACPR aux marketplaces proposant des offres de co-voiturage (Blablacar), de réalisation de petits travaux de bricolage (Mesdepanneurs.fr) ou de vin (France Gourmet Diffusion). D’autres ont été refusées aux marketplaces proposant des offres sur la thématique de la liste de naissance.
Les avantages : À condition de remplir les critères d’exemption, cette option est avantageuse pour gérer les paiements. L’opérateur s’offre un certain degré d’autonomie, sans les inconvénients liés à la procédure de demande d’agrément.
A noter : la loi DSP2 a assoupli la procédure d’exemption d’agrément pour les marketplaces dont le volume annuel de paiements ne dépasse pas 1 million d’euros. Alors qu’auparavant les demandeurs d’exemption devaient réaliser une procédure de déclaration préalable auprès de l’ACPR, les entreprises sous le seuil autorisé ne sont maintenant plus soumises à l’obligation de déclaration préalable de leurs activités auprès de l’ACPR et à l’avis de la Banque de France concernant la sécurité des paiements. Néanmoins, l’obligation de rapport annuel auprès de l’ACPR demeure.
Option n°3 : s’appuyer sur un établissement agréé pour sa place de marché
Dernière alternative pour encaisser légalement pour le compte de tiers dans le cadre d’un paiement sur une marketplace : faire appel à un établissement de paiement, un établissement de crédit ou à une personne morale qui bénéficie d’un agrément ou d’une délégation lui permettant de fournir des services de paiement. Dans ces conditions, la marketplace devient agent de paiement : elle encaisse les fonds en qualité de mandataire, au nom et pour le compte du prestataire de services de paiement (PSP) avec lequel elle est lié par un contrat de prestation de services. Ce mode de fonctionnement est le plus répondu sur les marketplaces.
Les avantages du PSP : l’opérateur n’est pas responsable du paiement sur la marketplace, il en délègue la gestion à un tiers. C’est notamment le PSP qui est en charge du paiement des vendeurs de la marketplace une fois la transaction (fourniture de biens ou de service) effectuée.
Les inconvénients du PSP : en tant que prestataire, le PSP facture ses services à l’opérateur de la marketplace. Les commissions du PSP s’imputent sur le montant des transactions.A l’image de Stripe Connect, S-money, Mangopay, Lemon Way ou encore Hipay, de nombreux prestataires de services de paiement sont spécialisés sur les marketplaces et offrent une solution de paiement pour gérer les commissions.
La gestion des paiements dans le cas d’une marketplace internationale
Le cadre juridique de paiement sur une marketplace tel que décrit précédemment vaut pour la France. Si vous envisagez d’ouvrir votre marketplace à l’international, gardez en tête que :
- Le cadre juridique des paiements diffère d’un pays à l’autre
- Les modes de paiement, au même titre que les devises, peuvent varier
- Votre PSP n’est pas nécessairement compétent pour gérer les paiements hors France
Mangopay par exemple permet de payer sur une place de marché en Europe, en Amérique du Nord, à Hong Kong et en Australie exclusivement. De son côté, Stripe Connect est proposé dans certains pays de l’UE uniquement, ainsi qu’au Japon, à Singapour, au Brésil et au Mexique.Dans le cas d’une marketplace internationale, il faut donc être prudent dans le choix de son prestataire de paiement.Le paiement sur une marketplace est strictement encadré par la loi, l’opérateur doit en tenir compte au moment de créer sa marketplace. Mode de fonctionnement le plus souvent adopté, le recours à un PSP permet de se décharger de la responsabilité des paiements, et d’éviter des procédures d’agrément assez fastidieuses.